« Si écrire, agir, c’est une manifestation de l’orgueil, ne pas vouloir écrire, agir, faire, ce peut être encore de l’orgueil. » Eugène Ionesco
Souvent cité dans les écrits religieux, considéré comme l’un des sept péché capitaux, synonyme d’arrogance, fierté, suffisance, vanité ou prétention, que comprenons-nous du mot « orgueil » ? Il semble qu’il peut avoir autant d’interprétations que de personnalités. Le mot est chargé d’images négatives et une personne trop confiante en elle est souvent qualifiée et condamnée d’orgueilleuse ou de narcissique. Qu’en est-il réellement ? Où est la frontière entre « orgueil » et « confiance en soi » ? Est-ce qu’avoir confiance en soi et parler de soi, de ses expériences, de ses talents est toujours de l’orgueil ?
Nous pouvons approfondir deux directions principales : celle de la personne dont l’estime propre est excessive, parfois exagérée voire complètement mensongère, et celle de la personne qui reconnait ses capacités légitimes et réelles sans démesure.
La différence entre le fanfaron et le modeste, c’est la démesure. Certains considèrent que l’humilité c’est de ne pas se mettre en avant, ne pas énumérer ses talents, ses capacités, ses réussites, complètement s’effacer… Mais alors, lors d’un entretien d’embauche sommes-nous tous orgueilleux puisque nous parlons de nous ? Le DRH veut savoir de quoi nous sommes capables, quelles sont nos compétences. Est-ce de l’orgueil que d’énumérer avec confiance et fierté tout ce dont nous sommes capables ? Et puis, aux yeux de nos amis, de notre entourage qui reconnait en nous des aptitudes, devons-nous devenir de faux modestes en affirmant que nous ne sommes pas si capables qu’ils semblent le dire ? Certains tombent dans cet excès : ils se dévalorisent injustement et se font du tort ! D’autres sont de faux modestes dans une quête de compliments, c’est de l’hypocrisie.
Il n’y a aucune honte à admettre que nous avons réalisé quelque chose d’admirable ! Arrêtons de dire par automatisme : « naaa, c’est pas terrible » ou « mwouais, d’autres auraient fait mieux » ou « je ne suis pas convaincu que cela soit si bien » alors que votre entourage est en pleine admiration pour ce que vous avez accompli ! Acceptez ces compliments ! Acceptez-les comme une forme sincère de reconnaissance !
Et puis, il y a cette autre forme d’orgueil : « je suis comme je suis et je ne changerai jamais, les autres n’ont qu’à m’accepter tel(le) que je suis ! ». Le refus total d’admettre que nous avons quelque chose à améliorer, à changer, à éliminer… Le refus de sortir de « sa zone de confort » en prétextant que ce sont les autres autour de nous qui doivent se plier à mon-moi-tel-que-je-suis-point-final. Le refus total de se mettre en danger cache parfois des douleurs et des plaies émotionnelles bien profondes. Celui qui veut guérir de ces plaies n’en guérira jamais s’il (elle) ne prend pas le risque de changer son point de vue, son attitude, sa vision, son comportement. En voulant se protéger de l’avenir on s’enferme dans un passé qui étouffe notre progression et notre épanouissement profond quitte à blesser nos proches. Tant pis pour eux… Comme Eugène Ionesco l’a dit : « ne pas vouloir agir est de l’orgueil ».
Que penser encore de cette forme d’orgueil où nous savons toujours mieux que l’autre ce qui est bon pour lui. Certains s’improvisent psychiatres ou médiums ou encore coaches. Mais sommes-nous réellement capables de juger pour l’autre ce qui est bon pour lui, aussi proche soyons-nous de lui ? Pour réellement en être capables, nous devrions pouvoir entrer dans la vie émotionnelle de la personne et personne ne le peut ! Avez-vous déjà entendu parler de « la carte du monde de l’autre n’est pas mon territoire » ? Métaphore puissante : nous avons tous accès aux cartes du monde des autres, nous pouvons la lire, l’interpréter, la mémoriser, mais cela reste le territoire de l’autre. Laissons la liberté aux autres d’exprimer leur vie comme ils le ressentent sans s’imposer dans la leur. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas réconforter, guider, accompagner, conseiller avec mesure. Ici encore comprenons que le respect de l’autre c’est aussi respecter ses émotions telles qu’il (elle) les vit. Penser mieux savoir que l’autre, c’est prendre le risque de s’identifier à un cas qui n’est pas vécu comme nous pourrions le vivre nous même, ce n’est donc plus objectif même si notre conseil nous semble béton. Vouloir aider l’autre avec toute la sincérité possible n’est pas gage de bon conseil, souvenons-nous de cela. Sincérité ne rime pas forcément avec vérité. Ce n’est pas parce que nous sommes sincères que nous avons le bon conseil ou les bonnes paroles… Où est l’orgueil dans ce concept ? A réfléchir.
Parlons encore de l’orgueil du moment : vouloir devenir célèbre. Si le narcissisme® avait été une marque déposée, son propriétaire serait aujourd’hui multimilliardaire ! Dans ce monde archi médiatisé, nous cherchons à nous faire connaitre, on devient tous des micro-célébrités grâce aux blogs ou à… Facebook. Ici encore, l’excès est le thermomètre de cet orgueil.
Voici mes conclusions :
Parler de soi n’est pas de l’orgueil. Ne parler que de soi et ne pas voir les autres, ça l’est.
Partager ses talents n’est pas de l’orgueil. Ne pas voir que d’autres en ont aussi, ça l’est.
S’aimer et s’accepter soi-même n’est pas de l’orgueil. Ne pas aimer les autres, ça l’est.
Dire que nous « en sommes capables » n’est pas de l’orgueil. Ne pas pouvoir le faire, ça l’est.
Etre modeste n’est pas de l’orgueil. Chercher des compliments par fausse modestie, ça l’est.
Donner des conseils n’est pas de l’orgueil. S’entendre parler sans écouter l’autre, ça l’est.
Prendre du temps pour soi n’est pas de l’orgueil. Ne pas en donner aux autres, ça l’est.
Admettre que nous avons réussi n’est pas de l’orgueil. En parler avec démesure, ça l’est.
Parler d’un parcours atypique n’est pas de l’orgueil. Ecraser les autres pour se valoriser, ça l’est.
Etre heureux d’être qui nous sommes n’est pas de l’orgueil. Penser que les autres doivent nous ressembler, ça l’est.
Sachons reconnaître nos compétences avec mesure, respect et intégrité envers les autres.
Votre partenaire dans l’optimisme,
Michel POULAERT.